jeudi 5 mai 2011

Bourgeonnement printanier à Tlemcen





Le Festival International de Musique Andalouse et des Musiques Anciennes a été exceptionnellement délocalisé à Tlemcen (du 27 avril au 6 mai 2011) mais devrait se tenir normalement à Alger en décembre prochain. Une bonne nouvelle.

Le festival a été la confirmation de talents qui oeuvrent en toute modestie pour la survie et la pérennité de la musique andalouse comme Yacine Kacimi El Hassani, un calligraphe qui, depuis des années, ne se contente pas d’écrire des lettres arabes mais est de ceux qui les prononcent en musique, et quelle musique. Le 2 mai, s’est produit l’Orchestre Régional d’Alger. Peu de choses à dire dont la plus notable est que le tempo du dardj était trop rapide. Le concert a été une énième occasion de confirmer le talent de Mokdad Zerrouk. Une valeur sûre de cette musique chez qui la simplicité n’est pas synonyme de banalité. A travers la prestation vocale de ce dernier, il aura été démontré que, quels que soient ses avantages, le chant collectif ne pourra jamais ravir la place au chant individuel.

La primauté du chant individuel sur le chant collectif (ou vice-versa) avait fait l’objet d’un débat entre musiciens à Mostaganem en 2006. On m’avait demandé quelle était l’utilité de faire des répétitions d’ensemble si le chant devait être individuel. J’avais répondu que les répétitions étaient faites pour maîtriser les mélodies et assurer la cohésion. L’Histoire de cette musique a toujours réservé une place de choix pour la belle voix et je continue à penser que celle-ci est le premier et le meilleur des instruments de musique. Je sais qu’elle ne donne pas à celui qui la possède beaucoup de mérite vu qu’elle est généralement innée (les techniques peuvent être acquises). Néanmoins, la belle voix montre que chacun de nous est prédestiné à quelque chose et je rassure en disant qu’on peut être un maître sans nécessairement avoir une voix extraordinaire. D’ailleurs, beaucoup de maîtres n’en ont pas et beaucoup de ceux qui en ont ne sont pas des maîtres.

Durant la même soirée, s’est produit l’orchestre de Mohamed Qadri Dalal. J’ai déploré l’absence de musiciens ou de choristes improvisateurs qui puissent être remarqués. La prestation a été tout juste moyenne, donc décevante par rapport à ce que j’attendais d’un aussi valeureux représentant de l’Ecole d‘Alep.

Durant le festival, la table ronde « Spécificités des ξoûds maghrébins » a été organisée pour préparer la rencontre de décembre prochain et qui sera dédiée au ξoûd maghrébin à quatre cordes. Un sujet très peu abordé par le passé et qui promet au vu des axes d’investigation et de recherche qui se sont dégagés.

Je me sens également en devoir de parler de cheikh Hacène Salah Boukli. Un maître qui a donné à la musique andalouse et qui continue à oeuvrer contre vents et marées. Actuellement, il continue à s’occuper de son association musicale El Kortobia et entreprend d’enregistrer le répertoire de Tlemcen, seul et avec ses propres et rudimentaires moyens. Quand je vois le médiocre résultat qu’a donné l’enregistrement (Ecole de Constantine) initié par le ministère de la culture et parrainé par l’ONDA (office algérien des droits d’auteur), je me dis qu’on donne des noix à ceux qui n’ont pas de dents. D’autant que cet enregistrement a été pécuniairement fort doté. Il serait temps que des cheikhs de la trempe de Boukli soient plus reconnus et mieux valorisés. Qu’on arrête de leur mettre des crocs-en-jambe pour les éloigner de manifestations comme ce festival. Certes, cheikh Boukli avait eu des différends avec les organisateurs du festival mais j’ai cru comprendre que beaucoup des causes de la discorde étaient dus aux médisances de tierces personnes. Louable initiative, Rachid Guerbas a invité cheikh Boukli à prendre part à la table ronde et la présence de ce dernier a été appréciée.


Au-delà de ce qui a été programmé dans le cadre de Tlemcen, capitale culturelle du Monde Islamique 2011, l’évènement aura été l’occasion de redorer le blason de cette ville au riche patrimoine culturel par des travaux de réfection et d’embellissement urbains dont elle avait bien besoin. Mon seul regret est de na pas avoir eu le temps de visiter la médina. A défaut de voir toutes les célèbres portes dont Bâb el djiâd et Bâb zîr, j’ai pu voir Bâb el h’dîd et ce qui m’a semblé être une partie des vieux remparts. Dans son hawzi Tâl el ξdêb biyya (Ma peine perdure), qui est chanté à Constantine, Ben M’saïeb (m. 1768) parle de la beauté des Tlemceniennes qu’on pouvait admirer à Bâb el djiâd :

يوم الخميس يخرج و الا الاثـنـيـن

يا من عـليه بالـفـرجة في باب الجيـاد


يـقصد بـياض ولـفي و يشـوف الـزيـن


Que celui qui veut admirer à Bâb el djiâd sorte le jeudi ou le lundi.
Qu’il regarde la blancheur de ma bien-aimée et qu’il voie la beauté.



A propos de la beauté des Tlemceniennes, les Constantinoises n’ont rien à leur envier. Comme quoi, ce qui manque le plus en Algérie c’est la beauté des actes.

J’allais instinctivement dire que l’Algérie a besoin de tous ses enfants mais je ne le dis pas. L’Algérie a besoin de ses bien intentionnés enfants et il faut multiplier les initiatives comme celle-ci pour redonner confiance et remettre sur la sellette. Les saboteurs, ces adeptes d’une forme de traîtrise post-indépendance, doivent être éloignés des champs d’action. Il en va de l’émergence et de la réémergence des talents et des potentialités qui, plus fortement que toute action politique, redonneront sa place à l’Algérie dans l’aire géographique qui est historiquement sienne.




1 commentaire:

Hamza a dit…

Toujours la plume acerbe et en même temps cherche la perfection, j'apprécie
Hamza ABDELMOUMENE